Grand Angle
Adingra, quand le talent ne suffit plus en Premier League
L’ailier ivoirien Simon Adingra découvre la dure réalité de la Premier League. Talentueux mais confronté aux exigences tactiques et physiques, il doit maintenant franchir un cap pour s’imposer. Analyse.
Longtemps perçu comme l’un des talents les plus prometteurs du football ivoirien, Simon Adingra traverse une période délicate. Passé par Brighton, puis transféré à Sunderland pour retrouver du temps de jeu, l’ailier des Éléphants peine à confirmer les attentes placées en lui.
De la révélation à Brighton à la perte de vitesse
Sous les ordres de Roberto De Zerbi à Brighton en 2023/24, Adingra semblait avoir trouvé le bon environnement. Le technicien italien lui avait fait confiance : 31 matchs de Premier League, dont 25 titularisations pour 2232 minutes de jeu. Un bilan prometteur qui laissait espérer une montée en puissance.

Simon Adingra sous les couleurs de Brighton.
Mais tout a basculé avec l’arrivée de Fabian Hurzeler la saison suivante. Le nouvel entraîneur du club anglais, adepte d’un football intensif et très structuré, a progressivement réduit le temps de jeu de l’Ivoirien : 29 matchs, 12 titularisations, 1093 minutes seulement.
Pour relancer sa carrière, Simon a rejoint Sunderland. Une étape censée lui redonner confiance, mais qui tourne pour l’instant à la désillusion : 6 matchs joués, 4 titularisations, 275 minutes et une seule passe décisive. Trop peu pour un joueur censé franchir un cap.
L’exigence du football anglais
La réalité du football anglais est brutale : pas de complaisance. Les entraîneurs jugent les performances, pas les réputations. La concurrence est féroce et seuls ceux qui entrent dans les plans tactiques du coach s’imposent.
Le championnat anglais exige des joueurs complets : polyvalence, endurance, engagement défensif et puissance physique. Des qualités que l’ancien de Nordsjaelland ne semble pas encore exploiter pleinement.
« Adingra est très intelligent. Seulement, il ne rentre pas dans le système tactique du coach », rappelle Wilfried Bony, ancien buteur de Swansea, Manchester City et Stoke City.
Des chiffres qui parlent
Les statistiques appuient cette observation. D’après Fotmob, Simon Adingra affiche après 9 journées de Premier League seulement : 32 % de tacles réussis, 35 % de duels remportés et 20 % de ballons récupérés.
Autrement dit, 40 % d’actions défensives réussies, bien loin des standards de son ancien concurrent direct Yankuba Minteh (Gambie), préféré par Hurzeler à Brighton, qui culmine à 80 % d’actions défensives réussies, avec 92 % de tacles, 98 % de duels et 94 % de récupérations.
Ces chiffres traduisent une différence d’implication défensive nette. Adingra apporte offensivement, mais n’offre pas les garanties exigées dans un système où les ailiers doivent défendre autant qu’ils attaquent.
Question de profil et d’adaptation
« Les gens ne voient que le jeu, mais la réalité, c’est la compatibilité avec la philosophie du coach », explique Joëlle Héraclide, consultante sportive et docteure en gestion et stratégie sportive.
« Simon peut travailler physiquement et ajuster certains aspects, mais il ne répond peut-être pas encore aux attentes tactiques et techniques du coach. Chaque entraineur a ses préférences et exigences, son modèle tactique. Certains profils rentrent dans leurs plans, d’autres non. »
Un talent à canaliser
Éric Babou, ancien joueur et analyste, évoque quant à lui un aspect mental :
« Ce garçon est talentueux, mais il manque de caractère, de gnac — un peu d’“impolitesse”. Dans ce milieu, parfois, il faut savoir se faire respecter, et non subir les événements. »

Adingra n’a rien perdu de sa qualité technique ni de sa vitesse, mais il lui manque peut-être cette agressivité et cette intensité mentale qui font la différence dans un championnat aussi exigeant que la Premier League.
Et maintenant ?
À 23 ans, Simon Adingra est à un tournant de sa carrière. Le joueur qui avait brillé à l’Union Saint-Gilloise en 2022/23 (14 buts, 13 passes décisives en 51 matchs) et qui s’était révélé lors de la CAN 2023 (meilleur jeune du tournoi, 1 but, 2 passes décisives en finale) doit désormais trouver un cadre qui valorise ses qualités.
Peut-être qu’un championnat moins exigeant physiquement, où la créativité prime sur le duel, lui conviendrait mieux. Ou peut-être qu’il saura relever le défi en Premier League, en travaillant son impact défensif et son endurance.
Une chose est certaine : le talent de Simon Adingra n’est pas en cause. Mais dans un football moderne où la tactique et la puissance règnent, le talent seul ne suffit plus.
